Le duanju peut-il prospérer en Afrique ?
- Blessing Azugama
- il y a 2 jours
- 3 min de lecture

En Chine, une révolution silencieuse a transformé la façon dont le public consomme les histoires. Appelés duanju, ces mini-séries, composées d’épisodes verticaux d’une à deux minutes, ont explosé en popularité, trustant les classements de plateformes et donnant naissance à une industrie de plusieurs milliards de dollars. Avec des cycles de production rapides, des fins d’épisodes addictives et une conception pensée d’abord pour le mobile, le duanju est devenu le visionnage compulsif de l’ère du smartphone.
Mais ce format pourrait-il s’épanouir en Afrique, où la narration est déjà l’un des atouts culturels les plus dynamiques du continent ?
Les racines africaines du micro-drame
L’Afrique n’est pas étrangère aux formats courts. Les sketchs TikTok, les Reels Instagram et les saynètes humoristiques sur YouTube cumulent déjà des millions de vues. Des créateurs nigérians, par exemple, ont bâti des communautés mondiales avec des contenus vifs et parlants. Nollywood, la puissance cinématographique du continent, a aussi expérimenté les webséries courtes et les micro-films.
Mais, contrairement à l’industrie duanju en Chine, les formats courts africains restent largement fragmentés. Ils prospèrent sur des plateformes mondiales comme TikTok et YouTube, avec peu d’infrastructures locales permettant une monétisation à grande échelle. L’humour et le commentaire social dominent, tandis que le mélodrame feuilletonnant, cœur du duanju, demeure peu exploré.
Points de convergence : pourquoi le duanju convient à l’Afrique
L’Afrique est déjà centré sur le mobile : la population d’internautes sur smartphone y croît parmi les plus vite au monde, et le téléphone est souvent le premier, voire l’unique écran. La narration y est résolument émotionnelle : qu’il s’agisse de Nollywood ou de sketchs, les récits africains excellent dans l’émotion, les personnages exacerbés et le conflit dramatique, des ingrédients parfaitement adaptés au duanju. Les créateurs maîtrisent enfin l’efficacité à petit budget : ils savent produire des histoires marquantes avec des moyens limités, un trait clé du modèle duanju.
Des défis subsistent toutefois. Le coût des données reste élevé dans de nombreux pays, ce qui freine le visionnage en rafale. Les options de monétisation sont limitées, les revenus publicitaires et les paiements aux créateurs étant en deçà des moyennes mondiales. Et, culturellement, le public a davantage penché vers l’humour et la satire que vers le mélodrame sérialisé qui alimente le duanju en Chine.
Sans plateformes localisées ni modèles de monétisation durables, le format risque d’être perçu comme une tendance globale de plus, plutôt qu’un véritable basculement industriel.
Le potentiel réel réside peut-être dans une fusion : un duanju africain mêlant mélodrame et comédie, romance et culture urbaine, ressorts feuilletonnants et authenticité culturelle. Imaginez une histoire d’amour à Lagos racontée en 100 épisodes d’une minute, ou un thriller panafricain conçu pour l’écran vertical.
Des plateformes de streaming comme Showmax, ou même TikTok, pourraient devenir les tremplins de ces essais. Avec l’influence mondiale de Nollywood et une population jeune et connectée, le continent pourrait non seulement adopter le duanju, mais le réinventer.
L’essor du duanju signale davantage qu’une mode passagère. C’est un changement dans la manière d’écrire, de filmer et de consommer les histoires à l’ère du mobile. L’Afrique, riche de traditions narratives et d’un jeune public avide, est bien placée pour s’emparer de ce format.
La question n’est pas de savoir si le duanju peut prospérer en Afrique ; c’est de savoir qui bâtira l’écosystème pour y parvenir. Et lorsque ce sera fait, le monde pourrait bien se surprendre à dévorer des micro-drames africains comme il est tombé jadis sous le charme des films de Nollywood.
Article écrit par Blessing Azugama