Face à la frénésie du visionnage, le Duanju trace sa voie
- Sanjorge Guillaume
- il y a 2 jours
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Dernière mise à jour : il y a 10 heures
En une décennie, notre manière de regarder les séries a profondément évolué. Avec l’essor du streaming, le « binge-watching », c’est-à-dire enchaîner les épisodes sans pause, est devenu presque la norme. Netflix a, presque malgré lui, imposé ce modèle en rendant l’intégralité des saisons disponibles dès leur sortie.
À cela s’ajoute un autre phénomène, déjà relevé dès 2017 par France Inter : le « speed-watching ». De plus en plus de spectateurs accélèrent leurs séries, les visionnant à 1,25x ou 1,5x, pour gagner du temps sans renoncer au contenu. Dans sa chronique, le journaliste note explicitement : « C’est le temps des épisodes qu’il faudra raccourcir. »
Ce réflexe illustre un paradoxe contemporain : vouloir tout voir, tout consommer, sans en avoir le temps. Il révèle aussi un besoin chez certains utilisateurs : celui de la brièveté.
Dans un article publié en 2017, Alexandre Foatelli (INA) évoque les effets du binge-watching et du speed-watching, qui affaiblissent silences, regards et respirations, des éléments discrets mais essentiels à la narration.
En 2020, Olivier Joyard, dans Les Inrockuptibles, adopte un regard critique sur cette pratique. Au-delà du gain de temps, il dénonce une consommation utilitaire du récit : le visionnage accéléré transforme les séries en objets anecdotiques, vidés de leur tension et de leur charge émotionnelle.
En 2023, Valérie Parlan, dans Ouest-France, constate l’ancrage du « speed-watching » dans les usages : près d’un tiers des spectateurs y auraient désormais recours, cherchant à optimiser leur temps.
Enfin, en 2025, Katia De la Ballina constate dans Le Point un essoufflement généralisé : submergés par l’offre, une majorité de spectateurs avouent une fatigue face à l’inflation des contenus et à l’obligation implicite de tout suivre.
Ces constats révèlent l’absence d’un format feuilletonnant réellement adapté. Déjà pris par des journées bien remplies, les spectateurs peinent à consacrer plusieurs heures à une série sans éprouver une forme d’amertume : celle d’avoir sacrifié trop de temps de vie au divertissement.
Regarder mieux, regarder court : la réactivité asiatique.
Les producteurs et plateformes chinoises ont mis au point un nouveau format : le duanju. Porté par une économie déjà rentable, il gagne en popularité et commence à s’exporter. Il propose des épisodes de 1 à 3 minutes. Là où une série classique dure en tout dix heures, le duanju condense toute l’intrigue en une heure.
Son défi, désormais, sera d’attirer à lui les créateurs et artistes les plus ambitieux du genre.
Article rédigé par Guillaume Sanjorge, Producteur audiovisuel.
Sources :
• France Inter, 3 janvier 2017
• INA – La Revue des médias, 25 septembre 2017
• Les Inrocks, 17 août 2020
• Ouest-France, 1er février 2023
• Le Point, 1er juillet 2025